Au tout début on ne ressent rien, on lit et relit, on vérifie qu’on ne s’est pas trompé, le temps nous a juste oublié, on a un peu de mal à comprendre, on sait qu’on va souffrir, mais on ne sait pas encore à quel point.
On ne ressent rien, le corps absent, l’esprit assommé, c’est à la première déglutition, celle qui a du mal à passer qu’on sent que ça va faire mal.
Quand on écarquille les yeux en se demandant combien on est resté là, quand la tête vous tourne quand il faut se lever.
C’est là que ça commence, on ne sent pas ses larmes couler, on marche sans vraiment savoir où l’on va, mais on sent qu’il faut faire quelques chose, c’est petit à petit qu’on comprend qu’il y a rien à faire.
On sait qu’on doit remplir nos obligations, s’obliger à quelques formalités, on sait qu’on a mal, on se ment, on se dit qu’on a vécu avant sans lui, et qu’on pourra continuer.
C’est après qu’on comprend qu’entre célibataire et veuve, il y a un abysse.
Puis il faut l’annoncer, on comprend la peine peinte sur les traits de ses amis, en compatissant à leur douleur on se dit qu’on va s’en sortir, on tente de rester digne.
Mais en fait c’est après qu’on s’effrite et qu’on s’effondre.
Quand on cherche la chaleur de son corps au petit matin, quand les brumes des rêves s’évaporent et que ses bras ne sont plus là pour vous rattraper, quand on oublie un instant en rentrant dans l’abri du son foyer en criant son nom et que seul le silence nous répond, quand on passe devant son bureau vide.
Le retour de son corps avait été une épreuve, le cercueil déjà scellé, il était dur d’imaginer que tout ce qu’il avait été pouvait rentrer entre ces quatre planches.
La cérémonie n’est pas si dure à organiser, des fleurs, un banquet, un curé, ça ressemblerait presque à un mariage.
On espère juste qu’elle ne sera pas trop longue, tenir debout est déjà assez dur, on voudrait qu’ils soient tous partis pour s’allonger à ses côtés, même si quelques pelletées de terre nous séparent.
Mais il faut tenir, juste le temps que tout soit fini.
Elle ne prendra pas la parole, c’était à ceux qui l’avaient aimé de rendre leurs derniers hommages.